bio / nécro




Biographie alcoolique / décembre 2023.
Je sors traumatisé du ventre de ma mère au bout de 12h de combat ensanglanté, le début des contractions commence à 3h du mat' et se termine à 15h. 12h de travail au noir. Je suis un gros bébé, avec une grosse tête. Je suis né le même jour que Jacques Chirac, un 29 novembre 1967, lui en 1932. Comme Jacques, je me passionne très tôt pour la bière, je la consomme en grande quantité dès ma puberté. Tel un John Wayne des temps modernes, je finis rapidement ivre, lors de concours de binch drinking, avec mon ami Momo, Mohamed français d'origine marocaine, de mon village alsacien au clair de lune. Ma première cuite est monumentale et mes amis me ramènent ivre mort, m'épaulant comme dans les westerns de chaque côté, les pieds traînant au sol, l'haleine lourde chargée de vapeurs d'alcool. Le Berentzen Apfelkorn 18° est une liqueur allemande à base de pomme, appréciée pour son goût fruité et rafraîchissant. Je perds à chaque fois lors de ses concours débiles d'adolescents ruraux qui sentent bon le rituel de passage obligé, la conduite à risque majeur, tout ça dans l'unique but de gagner inconsciemment mes galons dans le monde grégaire des hommes, afin de pouvoir cul buter d'innombrables futures femelles ébahies devant tant d'abnégation éthylique. Je commence sans le savoir ma carrière d'alcoolique notoire. Mes parents assistent sans une certaine crainte à ma lente escalade autodestructrice. Je suis un rejeton rebelle, mon adolescence sera donc difficile. Rapidement, au Lycée, je me distingue par ma manière de m'accoutrer. J'achète des habits pas cher aux puces le samedi matin au lieu d'aller en cours, des sous-vêtements de coton blancs, des caleçons longs de nuit inspirés par les personnages protagonistes voyous violents du film culte du moment, Orange Mécanique de Stan Laid Lubrique, mais aussi des pantalons à pinces, des chemises blanches à boutons de manchettes de grands-pères, des tennis blanches plates teintes en vertes pommes, lacées à l'envers. Elles seraient aujourd'hui rangées dans la catégorie, "nouvelles gammes de tennis plus féminines". Mes cheveux sont crêpés, laqués, teints en noir bleu nuit. Des bagues de hippies aux doigts, les deux oreilles percées, comme la pierre. Les hommes de ma famille participent indirectement à la construction de ce personnage original et marginal : l'artiste maudit contestataire des années 80. En y réfléchissant bien et avec du recul, c'est un parcours classique, conformiste et attendu pour l'époque, voire désiré par la société de consommation post soixante huitarde, qui tarde. Guitare. Bref, revenons à nos boutons... Mes oncles, incarnant la virilité des années 40 et 50 et me mettent en toute bonne foi sur la voie vertueuse de la sacro-sainte virilité vraie, attendue socialement. Quand l'un me fait découvrir toute la bibliographie de Charles Bukowski, écrivain, poète, alcoolique américain, le deuxième quant à lui m'encourage et me file ses recettes de vin de noix et de Pastis, fabrication maison, de diaboliques potions décantant pendant quelques semaines à base d'alcool à 90°C acheté en toute légalité en pharmacie. Chez un autre je vois la première fois des liasses de billets en cash, sûrement des dessous-de-table. Le dernier quant à lui m'offre ses chaussures en daim, à boucles en métal datant des fifties, shoes que je teins immédiatement en noir avec du cirage. L'époque branchée est à la chaussure de cuir noire, à bout pointue, à l'italienne, montante ou pas. Comme Yves. Je rêve à ce moment-là précis de devenir un artiste connu ou un écrivain célèbre, j'achète une machine à écrire et commence tant bien que mal à scribouiller de la poésie, des contes fantastique sombres et lunatiques, un journal de bord juvénile imitant les trajectoires des autrices telles qu'Anne Franck ou Anaïs Nin avec comme modèle d'écriture leurs journaux respectifs. J'écris souvent la nuit, après le film noir du cinéma de minuit à la télé, sans au préalable avoir sifflé un ou deux whisky en cachette prélevés dans le bar familial, affalé, bien calé, assis confortablement dans un fauteuil Togo Ligne Roset, seul. Je descends ensuite à la salle de jeu au sous-sol, et je me mets à tartiner des histoires à la plume à l'encre noire des flots de phrases, remplis de mots, et j'essaie de raconter une histoire la plus intéressante possible, le tout en fumant moult clopes et en éclusant de petites bières blondes de 25cl. Je me couche à 3 heures du mat', passablement soûl mais heureux de mettre senti écrivain, et d'avoir un petit peu contribué à la créativité littéraire mondiale fantasmée. C'est cependant pendant mes week-ends que mon alcoolisation s'accentue, et prend toute son ampleur. Je fais la rencontre de ma première petite amie, lors d'une fête de la bière à Neuenbourg en Allemagne, à 3 km de chez mes parents, à coup de grosses chopes de 50 cl de bière blonde, en flux continu. Elle se prénomme Angélika, elle est allemande, serveuse, punk, blonde peroxydée, crêpée, habillée de cuir noir piqué de nombreux spikes, (Rivets décoratifs à pointe, à visser avec un tournevis plat, pour des bracelets, colliers (notamment collier pour chien), ceintures, blousons en cuir.), haut et bas résille, rouge à lèvres et maquillage outrancier, à forte poitrine. Un look un peu, beaucoup, passionnément pute ou tds dans le langage actuel. Complètement délurée, mais déjà solidement indépendante financièrement, elle a 18 ans. C'est elle qui me dépucelle, un brin plus âgée que moi. Je mens sur mon âge évidemment, en bon puceau vierge d'expérience sexuelle partagée, afin de me faire passer pour plus vieux que je ne suis en jouant de ma grande taille, et de mon cuir brun spencer souple, doublure déchirée, acheté pas cher à Paris aux puces de Saint-Ouen grâce au frère juif séfarade d'un ami de mes parents d'obédience d'extrême gauche soixante-huitard gauche caviar. Chaque week end Je me fais abreuver gratuitement dans le bar New Wave ou elle officie, en attaquant dès le début de soirée, buvant des bières pression à l’œil, en écoutant le son du bar tel les Liaisons Dangereuses - Los Niños Del Parque version 1982. Angélika délicatement, patiemment me trimballe en compagnie de sa meilleure copine aussi jolie qu'elle, de squat punk allemand, (AZ Autonome Zentrum à Freibourg) en boîte de nuit suisse branchée pour oiseaux de nuit Batcave, le Totentanz à Bâle. Ou je danse, tel un épouvantail désarticulé, balayant le sol de mes mains de façon incantatoire et mystique. En une soirée, je passe les trois frontières, France, Allemagne, Suisse écroulé de tout mon long à l'arrière de sa 4L orange, dotée d'une aile jaune, fraîchement carrossée suite à un petit accident malencontreux, j'imagine. Le pare-brise est maculé de traces de baisers de rouge à lèvres. Quand elle vient me chercher dans le village dans le nouveau quartier, un lotissement des années 70, je lui demande de se garer un peu plus loin, à 100 mètres de la maison parentale, tellement j'ai du mal à assumer toutes ces originalités teutonnes. Nous nous faisons régulièrement contrôlés par les gardes-frontières suisses à l'entrée de Bâle, à trois heures du matin. Le douanier fouille méticuleusement la doublure de mon blouson mets des plombes à ausculter le moindre recoin de tissu, déchiré, froissé, il est à la recherche de drogue, je poireaute imperturbable devant lui, mais avec de gros doutes dans mon esprit déjà passablement imbibé. Le sachet d'herbe est caché dans le soutif de l'autre copine. Au petit matin, je suis à chaque fois ramené à bon port, je continue de cuver mes hectolitres de bières allemandes dans le sous-sol de chez mes parents, afin d’émerger en début de journée comme si de rien n'était. Lors de ces virées de fin de semaine, je pousse même le bouchon, c'est le cas de le dire à me travestir afin de ressembler à mes idoles gothiques et punk du moment, en bon fan influençable, je revêts une longue jupe noire lamée de ma sœur, des bas résille déchirées, tignasse crêpée à la laque (la bière, je la bois), rouge à lèvre noir, mascara et eyeliner noir, fond de teint, débardeur résille noir, ou sweet noir chauve-souris gentiment confectionné par maman. Et bien sûr, la bouteille de porto noir qui va avec. Je finis souvent torse-nu, pieds nus, au milieu de la piste de danse, en transe, soûl comme de bien entendu. À jeun, cela est plus difficile d'assumer mon personnage androgyne en public, sur la place, un look du genre opposé, féminin ou hybride. Nous dirions aujourd'hui non-binaire. La provocation a du bon et l'alcool aide à désinhiber toutes mes résistances conscientes, sortir de ma timidité, m'extérioriser. J'ai une impression de toute-puissance, je brave l'ordre établi, je sors du cadre des règles de bon aloi, tout est bon à prendre pour me construire et me différencier de l'autorité, de l'état, et des personnes qui les représentent. Je suis genre Tim Curry dans le Rocky Horror picture show. L'Allemagne, la Suisse sont des pays plus progressistes et ouverts en matière de look loufoque, l’excentricité vestimentaire et l'attitude marginale ont toute leur place, même au sein du marché du travail. Dans les années 80, il était possible de voir un fonctionnaire préposé des Postes allemandes, tatoué, percé, pd. Chose impossible en France, pays globalement conservateur, réactionnaire. Toutes ces modes nous viennent de l'Angleterre, première puissance coloniale mondiale. Influencé, j'y effectue par ce fait volontairement mon pèlerinage initiatique, un weekend prolongé à Londres, via Cherbourg en compagnie de ma sœur plus jeune, elle aussi atteinte du virus, fashion victim en début de métamorphose gothique. Son objectif est quant à elle capillaire, son désir est de s'offrir une extension de cheveux dans un salon de coiffure branché londonien. Sans rendez-vous préalable ! Nous sommes toustes modelées par l'idéologie capitaliste, à moi le rêve marchand et le personnage que je choisi d'interpréter dans ce monde impitoyable de Dallas de la consommation. Une chose est sûre c'est notre finitude ! Ah ah...Comme dirait une bonne ami.e. queer parisienne. Je rentre de Londres un petit peu plus alcoolique. J'ai entraîné ma sœur à dormir dehors dans le froid sous un porche après la fermeture de tous les bars, afin d'économiser de l'argent pour le trajet en car jusqu'à Londres, et de payer la chambre de l'hôtel, l'incontournable pack de bières
anglaises. Le salon de coiffure refuse gentiment de prendre ma sœurette sans rendez-vous et lui demande simplement de prendre rendez-vous la prochaine fois, furieuse, elle se venge sur les fringues et les accessoires, les produits de maquillage. J'achète un pauvre ti-shirt dans le quartier de Piccadilly Circus, il représente une femme obèse et nue de surcroît, un truc comme ça, le comble de la provocation punk du moment. Il serait perçu aujourd'hui comme simplement sexiste et grossophobe. Je prends des photos en noir et blanc, poésie oblige avec l'appareil Canon de mon père, des portraits de ma sœur et des scènes urbaines des différentes communautés londoniennes, pakistanais, hommes d'affaires, homeless, etc. Qu'est-ce que le papier argentique ? C'est un papier photosensible, c'est-à-dire qu'il contient des paillettes d'argent qui réagissent à la lumière. Je me prenais pour Henri Cartier Tesson, je développais moi-même je ne sais où, ces clichés. Pour la petite histoire, la question des flux s’applique tant à la circulation de l’argent qu’à celle des images. La photographie répond de la logique libérale capitaliste notamment par ses représentations symboliques et l'extraction du minerai argent. A 18 ans, j'effectue un road trip d'un mois en Espagne, en Andalousie, mais surtout au Portugal, en Algarve la côte d'Azur portugaise. J'y fais certes la connaissance plus intimement du vin de Porto rouge et blanc mais également de l'eau de vie plus populaire, le Bagaço, et de ses compagnes les cigarettes SG filtro. Je reste accroché dans un camping tenu par des Irlandais, surtout au bar, le soir, à boire de la bière irlandaise et je me termine à coup d'Absinthe, normalement interdite à la vente. Mais bon, je ne vois pas la différence, bien trop défoncé. Je cuve la journée, sous ma tente et je commence à boire souvent dès la fin de matinée du mauvais vin blanc capsulé en compagnie de marginaux locaux sur la plage abandonnée. L'été d'après, je reprends une carte inter rail avec pour objectif d'aller jusqu'à Naples. Je passe une mauvaise nuit à la frontière attaqué par une escouade de moustiques, en essayant de dormir dans la gare. Au petit matin, congelé dans un wagon fortement climatisé, en compagnie d'une famille italienne bruyante et plus que bavarde, déshydraté, saignant du nez, je remets sérieusement mon périple italien en question. C'est en arrivant à Rome, épuisé et après avoir vomi mon jambonneau pas frais accompagné de bière chaude, que je décide de rentrer dans mes pénates. En plan B de substitution, je décide de rendre visite à mon cousin en Meurthe-et-Moselle, dans un petit village, à côté de Nancy. Nous passons nos journées à nous emmerder et toutes nos soirées à boire tard dans la nuit, des cocktails improbables à base de tout ce que nous trouvons dans la cave et dans le bar de la salle à manger. ça va de la Suze à la Mirabelle, pour faire court. Mes grands-parents paysans, mon oncle et ma tante récoltent de nombreux fruits de leurs vergers, et font de l'eau-de-vie, du schnaps de mirabelle de Lorraine, de la quetsche, de la prune, des vins cuits d'apéritifs, etc. Nous terminons nos soirées éthyliques devant l'émission animalière "Histoire naturelles" le magazine culte des insomniaques à déblatérer connerie sur connerie en langage québécois. Mon alcoolisation suit son cours.(à suivre)...

Note de bas de page : Art né Poivrot, Argh n'eau Poivré. Résidence d'écriture, la Rochelle, merci à mes ami.es, rue du Parc des Pères, Août 2023

Arnaud Poiré.
4,rue Martin Bucer. 67000 Strasbourg.
arnaudpoire@free.fr.
Instagram @arnaudsach
Mobile: 07 66 48 10 57.


Artiste, Enseignant de dessin et peinture.

Architecte (d.p.l.g.) 1995.



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